Réaliser par notre correspondant HAMOUNIA Arafat
A la veille de rencontrer en demi-finales le Sénégal qu’il a entraîné, Alain Giresse, sélectionneur de la Tunisie, parle de ses souvenirs et des liens avec les Lions. Surtout, l’entraîneur français exprime sa fierté de voir ce que sont devenus des joueurs comme Idrissa Guèye ou Sadio Mané qu’il a dirigés en sélection. Mais malgré ces sentiments, il est conscient que son équipe peut réussir l’exploit de battre l’équipe d’Aliou Cissé dimanche.
Recueillis par nos envoyés spéciaux au Caire,
Alain Giresse, au premier tour avant Tunisie-Mali (1-1), vous disiez que ce n’est pas forcément un plaisir de retrouver un pays que vous aviez entrainé (le Mali). Vous avez ce même sentiment avant de rencontrer le Sénégal dimanche en demi-finales ?
Oui ! Ce n’est pas un plaisir de retrouver une équipe, des joueurs, des dirigeants avec qui vous avez travaillé et partagé des moments. Tout d’un coup je me retrouve être adversaire d’une équipe que j’entraînais pour la faire gagner. Là, ça va être l’inverse. Je ne peux pas en vouloir au Sénégal. Je ne peux rien lui reprocher puisque mon départ était voulu par rapport à un contexte bien précis et non par rapport à quelque chose que je reproche aux joueurs ou à la fédération. Il n’y a même pas un sentiment de revanche de ma part. Il y en a beaucoup qui s’imaginent que je suis revanchard, mais ils se trompent. C’est leur problème. Il y a des façons d’aborder les choses et s’ils en sont là, je les plains les pauvres. Mon orientation est ailleurs, la preuve, je suis en demi-finale.
« Ce que Idrissa Guèye dit me touche beaucoup »
Qu-est-ce qu’il y a de particulier à jouer contre votre ancienne équipe ?
Il y a toujours un moment qui est assez personnel que je vis, c’est les hymnes. Je connais l’hymne du Mali, je connais l’hymne du Sénégal. Ce sont des sons que j’écoutais. Le Lion rouge qui rugit (l’hymne du Sénégal) je le connais. Je me faisais un devoir d’apprendre les paroles de chaque hymne. Puis il y a des petites choses comme quand on croise les joueurs. J’ai même eu le retour de joueurs sénégalais qui ne sont plus en sélection qui m’ont évoqué ce match. Il y avait des joueurs bien dans cette équipe du Sénégal et d’autres qui sont là et que j’ai connus…
Comme Idrissa Guèye certainement qui nous disait que vous aviez gardé contact et que vous lui aviez beaucoup apporté. Il y aura donc forcément une émotion en croisant ces joueurs que vous avez eu en sélection du Sénégal ?
(On le sent ému, presque au bord des larmes) Votre question est une question un peu délicate. A travers ce que vous venez de dire vous me faites rentrer dans quelque chose qui m’est très cher et très personnel : ces relations avec les joueurs. Idrissa le dit et ça me touche beaucoup parce que j’estime que les gens pourront dire et redirent tout ce qu’ils voudront, je préfère entendre cela. Et cela me réconforte si j’en avais besoin par rapport à tout ce qu’on a pu dire sur moi. Quand Sadio (Mané) me dit : « coach je vous attend à Liverpool », ce sont des trucs très personnels et malgré tout ce qui a pu se dire, je ne regrette pas mon passage au Sénégal et je suis le plus heureux des hommes quand je vois ce que ces joueurs arrivent à faire aujourd’hui, ça me rend fier de les avoir dirigés.
« Les joueurs du Sénégal arrivent à maturité »
Dans le groupe du Sénégal dans cette CAN, il y a une dizaine de joueurs que avez dirigés en effet. Est-ce que quelque part vous revendiquez un certain héritage sur ce groupe actuel…
Non pas du tout. Simplement, je ne m’étais pas trompé dans cette équipe-là. Souvenez-vous qu’il fallait reconstruire après une CAN 2012 difficile pour le Sénégal (trois défaites en trois matches), il fallait faire partir des joueurs, faire venir de nouveaux et aider d’autres à s’affirmer comme Idrissa, Sadio. Non, je ne revendique rien, mais s’ils en sont là aujourd’hui, c’est que j’avais enclenché un processus qui avec le temps pouvait porter ses fruits. Aliou (Cissé) l’a parfaitement compris et a su s’appuyer sur cette base pour construire son équipe.
Justement quel est votre opinion sur votre successeur Aliou Cissé ?
(Souriant) Aliou, on se connaît bien, j’ai été son entraîneur (au PSG) et on a toujours eu de bonnes relations au Sénégal. Il était entraîneur des Olympiques et on échangeait beaucoup sur les joueurs. Maintenant, c’est un plaisir de le voir comme lorsqu’on s’est croisé au tirage au sort de la CAN 2019. Ce sont de saines relations franchement. Le Sénégal reste un bon souvenir avec des gens que je n’ai pas rayé de mon parcours et ça aussi reste une belle histoire.
Comment vous trouvez cette équipe du Sénégal, version 2019 ?
Séduisante. Elle est d’autant plus séduisante qu’elle a mûri, que les joueurs ont pris une dimension réelle de joueurs internationaux dans de grands clubs. Ils arrivent à maturité. C’est une équipe qui a raté de très peu la qualification en huitièmes de finale à la Coupe du monde 2018. Là, elle se présente comme une favorite pour cette CAN et elle est au rendez-vous. J’ai beaucoup de respect pour cette équipe
Dimanche qu’est-ce que peut lui opposer la Tunisie dont on a l’impression qu’elle a moins de réservoir et de potentiel ?
On a un potentiel qui est plus un potentiel collectif qu’individuel. On va s’appuyer sur ça évidemment pour contrarier cette équipe sénégalaise. On ne peut pas comparer joueur par joueur, mais à travers le collectif, la capacité tactique, les moyens qu’on a de sortir le ballon, on peut se procurer des situations favorables devant le but sénégalais. On peut compter aussi sur des joueurs comme (Youssef) Msakni ou (Wahbi) Khazri qui ont mis un peu de temps pour rentrer dans cette CAN, mais qui ont retrouvé le chemin des but sur les derniers matches.